Un vieil adage raconte que si vous vous trouvez devant un tas de pierres, vous avez 2 choix : soit construire des murs, soit réaliser des ponts.
Les chercheurs de l’université de Eindhoven aux Pays Bas ont décidé : ce sera des ponts. Non pas avec des pierres, mais avec du lin !
Des ponts entre 15 acteurs scientifiques, industriels et autorités locales réunis au sein d’un consortium international et soutenu par l’Europe avec le projet Interreg appelé “Smart Circular Bridge”.
Mais aussi des vrais ponts fabriqués à partir d’une ressource abondante, locale, renouvelable, économe en énergie et qui dispose de qualités incroyables.
Une simple plante, toute légère et ondulant au gré des vents dans nos campagnes de l’Ouest et du Nord de l’Europe pour produire des structures aussi solides et imposantes qu’un pont. Combinée à une bio-résine spéciale, les fibres de lin peuvent être transformées en un matériau léger et très stable aux propriétés comparables à celles de l’aluminium ou de l’acier léger.
Un premier pont a déjà été construit à Almère aux Pays Bas, et deux autres suivront. À l’heure du changement climatique et de la raréfaction des matières premières, les biocomposites offrent une grande opportunité pour le secteur de la construction, dont l’empreinte CO2 est énorme et qui consomme abondamment les ressources fossiles.
Grâce à cette coopération intensive entre la science, l’industrie et les autorités locales, une multitude d’innovations est lancée.
Outre les fibres de lin 100% naturelles, la résine proviendra également de sources non fossiles. Dans une proportion de 25 % aujourd’hui, cette part devrait s’élever à 60 % après les premiers essais.
Du lin et de la résine… quid de la solidité et du vieillissement ?
Le projet prévoit de contrôler en temps réel la réaction du pont. Près de 100 capteurs installés sur le pont fournissent des données sur le comportement du matériau dans son utilisation quotidienne. Comment la structure se comporte-t-elle lorsque 200 personnes l’empruntent en même temps ? Que se passe-t-il à différentes saisons, pendant les tempêtes, la grêle et la neige ? Comment se déroule en détail le processus de vieillissement du matériau ? Un système de surveillance de la santé structurelle avec des capteurs en fibre de verre optique fournit des informations sur les comportements des matériaux.
Des capteurs d’accélération détectent même les vibrations les plus fines causées par le vent, par exemple. L’évaluation est réalisée à l’aide de l’intelligence artificielle (IA) pour reconnaître les modèles de comportement des matériaux. Les données peuvent être consultées sur un tableau de bord sur un site web public Almere Bridge – Grafana (smartcircularbridge.eu).
Penser recyclage dès la conception
Dans l’optique de l’économie circulaire, le projet étudie les options qui s’offrent au matériau de construction après que les ponts auront atteint leur fin de vie, soit dans plusieurs décennies.
Actuellement, trois possibilités sont envisageables : le recyclage mécanique, chimique et même biologique avec des champignons. Il est important que la cascade d’utilisation du matériau dure le plus longtemps possible.
Pour y parvenir, les options de fin de vie sont prises en compte dès le début des projets.
Des ponts… Et peut-être d’autres super structures en lin ?
Avec ce projet européen, les ingénieurs peuvent affiner leurs modèles de calcul et de matériaux grâce aux données collectées. Sur cette base, ils poursuivront le développement des modèles de matériaux et de conception pour les prochains ponts et de nombreuses autres applications.
Actuellement, les équipes effectuent déjà des recherches sur les colonnes et les éléments de façade. Les pales de rotor d’éoliennes sont également envisageables.
Des dizaines de milliers de ponts à remplacer en Europe
Le projet européen “Smart Circular Bridge” montre bien plus que la construction d’un pont. Il est un exemple frappant de la manière dont les innovations en faveur de la protection du climat et de l’économie circulaire peuvent se mettre en place avec succès. Rien que pour les ponts, il vaut la peine d’envisager des matériaux alternatifs, car des dizaines de milliers doivent être remplacés en Europe dans les années à venir.
“Ces matériaux ont un grand avenir“, c’est ainsi que le professeur Rijk Blok, chef de projet à la TU Eindhoven, décrit l’ambiance d’optimisme qui règne après la mi-parcours du projet. “En particulier, la coopération intensive entre la science, l’industrie et les communautés a donné une grande impulsion au développement des matériaux“. « Les résultats actuels nous rendent optimistes : nous prévoyons de construire à l’avenir des ponts aux portées nettement plus grandes et aux charges plus élevées“, déclare le professeur Dr. Patrick Teuffel de l’Université technique d’Eindhoven, partenaire principal du consortium international Smart Circular Bridge.
Un acteur industriel membre du projet situé en Normandie
L’entreprise LINEO – NatUp Fibres, (anciennement Eco-Technilin), est située à Valliquerville en Normandie.
Avec 20 ans d’existence Eco-Technilin est le leader européen de l’utilisation technique des fibres naturelles. Tissus, non-tissés et unidirectionnels, sec ou imprégnés, de polymères thermoplastiques ou thermoducissables, pétrosourcés ou biosourcés, l’entreprise propose ses solutions aussi bien dans l’automobile, l’aéronautique, le ferroviaire, le nautisme, le bâtiment, le composite, la filtration et même l’utilisation domestique.
L’entreprise est un des acteurs industriels du consortium international qui fournit les fibres de lin.