Liniculteur, quel est ce métier de passionné ?
Comme dans tous les métiers, celui d’agriculteur comporte une myriade de variantes selon l’activité de la ferme.
S’il y a des animaux, on parlera d’ « éleveur ».
S’il n’y a que des végétaux, le terme « cultivateur » est souvent utilisé. « Cultivateur » au sens de celui qui travaille la terre dans le but d’en retirer une récolte. Le terme Cultivateur a d’ailleurs aussi été attribué à un outil muni de dents qui travaillent la terre pour l’ameublir.
Parmi cette grande famille de cultivateurs, il y a les liniculteurs. Ce sont ceux qui cultivent le lin.
Il y a un peu plus de 5000 liniculteurs en France, premier producteur mondial de lin. Ils sont 7500 en Europe essentiellement en Belgique et aux Pays Bas.
Les liniculteurs, c’est un peu comme les motards sur la route qui se reconnaissent et se font signe quand ils se croisent.
Comme eux, ils sont des passionnés. Ils « savent » ce qui les distingue des autres. Ils sont une famille, solidaire et unie.
Le lin est un modèle de sobriété et de délicatesse
Contrairement à beaucoup d’autres cultures, le lin est très peu exigeant en termes d’engrais, de traitements sanitaires pour la protéger des maladies et des parasites et enfin d’eau pour sa culture. A ce titre, il fait partie des exceptions dans le monde des cultures agricoles.
Ses racines profondes de plus d’un mètre lui permettent d’aller chercher de l’eau et des éléments nutritionnels des cultures précédentes pour croître. Il demande essentiellement du phosphore et du potassium. Très peu d’azote. Grand seigneur, il restitue au sol, lors du rouissage, jusqu’à 20 % de sa consommation.
S’il demande peu de nourriture, il exige en revanche beaucoup d’attention de la part du liniculteur.
A commencer par son lit de semences qui doit être très régulier : une terre très bien préparée, fine et avec peu de mottes. Semé à 1 ou 2 cm de profondeur, l’humidité du sol est un point crucial pour le liniculteur. Si la terre est trop humide, elle ne sera pas assez fluide pour être au contact des graines. Si la terre est trop sèche, les graines manqueront d’humidité pour germer. Un réglage d’horloger que seul le liniculteur maitrise. Son objectif : obtenir 1800 plantes au m2. Les climats océaniques du Nord et de la Normandie se prêtent bien à ce jeu humide.

La hauteur des 7 mains !
Aller voir tous les jours la levée des semis pour s’assurer une bonne récolte : c’est le lot quotidien du liniculteur. Une bonne levée, c’est déjà la moitié de la récolte.
Une fois la levée assurée, dame Nature va faire l’essentiel du travail. Elle va compter sur la douceur humide des climats océaniques.
Notre liniculteur pourra se consacrer à ses autres cultures. Car un liniculteur ne peut pas cultiver que du lin.
Il peut consacrer au maximum 15 % de sa surface cultivée au lin. Le lin n’aime pas revenir sur une même terre avant 7 ans. C’est ce que l’on appelle la rotation des cultures. Délicatesse quand tu nous tiens…
Même s’il est sobre, le lin pousse vite, surtout si le temps est doux et humide. Il parvient à sa taille adulte en à peine 100 jours.
Le lin c’est d’abord et surtout une tige qui va jusqu’à 3 mm de section. Les feuilles sont petites et allongées. Une plante de lin génère beaucoup de fleurs, bleues ou blanches selon les variétés. Ces fleurs vont éclore au mois de juin. La floraison dure une dizaine de jours. On ne le remarque pas, mais les fleurs sont éphémères. Au bout d’un jour, elles tombent et c’est une autre fleur de la même tige qui éclot. C’est ce qui produira les multiples capsules remplies de graines chargées d’Oméga 3 et 6.
Vous les avez vu ses ondulations de champs de lin du mois de mai… C’est le moment où l’on voit aussi les liniculteurs parcourir leur champ et mesurer la hauteur du lin.
La hauteur de la plante, c’est tout la richesse de la récolte. Les anciens mesuraient la longueur des tiges de lin avec leur main. Ils empoignaient la tige successivement avec chacune de leur main, de la racine jusqu’aux fleurs. 7 mains…, c’est un beau lin. 9 mains, exceptionnel ! Ces mains qui alimentaient les conversations dominicales entre liniculteurs (car un liniculteur parle toujours de son lin à table).
On ne coupe pas le lin, on l’arrache.
C’est bien connu, les étés des côtes normandes jusqu’à la frontière belge ne sont pas connus pour être chaud et secs. Cette caractéristique fait bien les affaires de liniculteurs.
Puisque l’on récolte la fibre, autant tout prendre. La fibre descend jusque la racine, alors la racine est la bienvenue.
Fort de ce constat, il a fallu inventer des machines spéciales : les arracheuses de lin. Deux courroies enserrent les tiges de lin, les tirent vers le haut en les arrachant puis les déposent au sol, bien allongées, comme une nappe bien tirée sur le sol.
Elles reposeront quelques jours pour sécher un peu.
Puis viendront les séances de « bronzage » avec les alternances de soleil et de pluie. Comme à la plage, le lin se retourne régulièrement pour bien bronzer des deux faces. Des retourneuses de lin l’aideront dans ce rituel de la « crêpe ». Pour le lin, on appelle cela le « rouissage ». Petit à petit, le rouissage va dégrader les tissus, ce qui va permettre de libérer les fibres de lin.
Comme le bronzage peut vous donner une peau dorée ou rouge écarlate, un bon rouissage donne la couleur bleue au lin, gage des plus belles qualités de fibre.
Ce n’est pas le moment, pour le liniculteur de partir à la plage !
Le rouissage dure quelques semaines pendant les mois de juillet et août.
Une fois son lin bien rouit, le liniculteur utilisera un enrouleur pour faire ces balles rondes que l’on voit parfois sur les champs. Ces balles rondes seront stockées jusqu’à ce que leur heure de passage au teillage arrive. Mais cela, c’est une autre histoire.
A ce moment, notre liniculteur peut s’octroyer des congés bien mérités.
Allez, si tout va bien, il pourra partir 2ème quinzaine d’août !