Le lin commence son aventure humaine il y a plus de 30 000 ans. Mais son entrée dans la marine ne date que de l’Antiquité !
Les voiles en lin étaient alors utilisées dans les navires traversant la Méditerranée. Il semble que les Egyptiens aient été les premiers à fabriquer des cordages en lin.
« Le musée des tissus de Lyon expose une voile de navire égyptien, indique Catherine Abéguilé-Petit, docteur en histoire. Cette pièce rarissime servait de tissu de bourrage à une momie anonyme, en plus des deux linceuls superposés et des bandelettes. Il s’agit d’une voile portant encore une partie du gréement, avec une cheville fixée à un anneau en bois. »
Les Phéniciens propagent le lin
La culture du lin a été diffusée en Grèce, à Rome, en Irlande, en Angleterre et en Bretagne par les Phéniciens, qui fabriquaient leurs voiles à partir de ce matériau.
« Le lin cultivé à l’époque était plus ou moins sauvage, car ces civilisations ne bénéficiaient pas des connaissances amassées en matière de sélection variétale », révèle l’historienne.
Puis, en France, et notamment en Bretagne, la culture du lin, sa transformation et le commerce des toiles génèrent une intense activité économique. Malgré une concurrence féroce avec le chanvre, plus résistant et presque seul employé par les marines de commerce et royale, la Bretagne, forte productrice de lin, en exporte en Espagne et en Amérique du Sud, ce qui fait la fortune des commerçants régionaux.
Du lin dans les ports
Le lin disparaît des gréements vraisemblablement à la fin du Moyen-Age, pour réapparaître au milieu du 19e siècle. A cette époque, la Société Linière du Finistère, à Landerneau, crée une fabrique de toiles de lin : toiles à voile goudronnées, toiles à hamac, à sac et à tente, toiles rousses à vareuses, et toiles d’habillement pour les équipages et les marins.
La Marine, et donc l’arsenal de Brest, constitue son principal client, avec 15 000 mètres de toile de lin livrés en 1847. A partir de 1850, forte de ses 4 000 ouvriers (1 500 à 2 000 sur le site, autant dans les campagnes), la plus grosse entreprise textile de Bretagne exerce une pression politique sur le gouvernement.
Objectif : imposer à la marine brestoise l’emploi du lin pour la confection des toiles à voiles et supplanter le chanvre ! C’est chose faite en 1852. L’entreprise compte en 1855, à son apogée, 680 métiers pour la fabrication des toiles à voiles en lin.
Arrivée de la vapeur et du pétrole : exit le lin … ou presque !
Malgré les efforts acharnés de la Société Linière du Finistère pour conserver ses marchés, tout bascule avec l’arrivée du navire à vapeur. La marine de guerre adopte peu à peu les voiles en coton pour l’armement de ses navires, bientôt tous équipés de moteur à vapeur. La Société Linière ferme finalement ses portes en 1891.
« Quand la production de lin pour les voiles s’est arrêtée en France après la seconde guerre mondiale, la Marine s’est retrouvée avec des stocks considérables de toiles en lin. La marine de Toulon a donc fabriqué quantité de bleus de travail et d’habits pour les matelots à partir de ces toiles, pour écouler ses stocks ! »
On aurait pu croire à la fin de l’histoire du lin avec le passage à l’ère industrielle, mais…
Nouveau rebondissement dans les années 2000 ! Le prix du pétrole et le réchauffement climatique attirent l’attention sur les énergies renouvelables et le développement durable et relancent l’intérêt pour les fibres végétales. Le lin prend place dans les bio polymères à destination de la filière nautique et le travail des spécialistes se concentre sur la fabrication de bateaux ultralégers et résistants en lin !
Sources :
Le Port Musée de Douarnenez, Fibres marines, chanvre et lin, hier et aujourd’hui, 2012.
M Schoefer, D Cotta, A Beentjes, «Les étoffes de rembourrage du chiffon au vêtement et à la voile de bateau, dans Autopsie d’une momie égyptienne du muséum de Lyon », Nouv. Arch. Mus. Hist. nat. Lyon, fasc. 25, Lyon, 1987, p. 77-80.